A Saint-Ouen, la "gentrification" n'occulte pas les réalités d'une ville populaire

A Saint-Ouen, la “gentrification” n’occulte pas les réalités d’une ville populaire

A Saint-Ouen, la "gentrification" n'occulte pas les réalités d'une ville populaire 1

Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis)
© Ville de Saint-Ouen

Une ville, deux visages. Aux portes de Paris, la ville de Saint-Ouen, dopée par des projets économiques, urbains et sportifs d’envergure, change à cause d’une “forte progression des revenus” d’une partie de ses habitants, selon une récente étude, même si la précarité persiste.

A presque 2 kilomètres au nord de son touristique Marché aux puces, les grues zèbrent le ciel d’automne. Près de la mairie, les travaux du prolongement de la ligne 14 du métro battent leur plein pour combler le retard accumulé en raison de la crise sanitaire.

Un panneau publicitaire l’assure: “en 2020 Mairie de Saint-Ouen – Châtelet en 12 minutes.” La mise en service du nouveau tronçon est prévue en décembre, selon la RATP, avec deux nouvelles stations pour desservir cette ville de quelque 51.000 habitants.

“On espère vraiment que ça va arriver très vite parce que la ligne 13 est toujours bondée”, s’impatiente Sylvie N., 37 ans, qui habite près du futur Village olympique, un autre chantier colossal en vue des JO de 2024.

Mais aux yeux de cette mère de famille, dont seul le mari travaille, ces projets comportent aussi un effet pervers. “Ça rend la vie plus chère, même les logements ça a augmenté, c’est plus difficile pour louer.”

Sur le marché immobilier, les prix sont pourtant près de “deux fois moins” élevés qu’à Paris, remarque Thierry Delesalle, porte-parole de la Chambe des notaires du Grand Paris.

Mais la valeur d’un T2 en appartement ancien a bondi de “52,9% sur les cinq dernières années”, faisant de Saint-Ouen “la commune qui a augmenté le plus en Seine-Saint-Denis”, pointe-t-il, avançant “un effet de report des Parisiens qui cherchent à s’agrandir”, ce qui explique “la gentrification de la petite couronne”.

A l’échelle de la métropole, Saint-Ouen fait partie des quartiers “modestes” qui enregistrent “une forte progression des revenus”, selon une étude parue ce mois-ci et réalisée par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur).

Outre l’immobilier, cet embourgeoisement s’explique par “des projets d’aménagement importants, une amélioration de l’environnement urbain et une bonne desserte en transports en commun”, souligne le rapport.

Il est également lié aux politiques de la ville qui façonnent cet ancien bastion communiste, tombé aux mains de l’UDI en 2014, avant de rebasculer à gauche aux dernières élections municipales.

“Globalement populaires”

“Avant il y avait beaucoup d’usines, d’ouvriers. Maintenant c’est plutôt les bureaux”, constate à proximité du marché du Vieux Saint-Ouen Youssef Belaïd, 78 ans, ancien “métallo” dans une usine automobile de la ville.

En plus des 2 500 salariés du géant ferroviaire Alstom, la ville accueille depuis 2018 le siège du Conseil régional d’Île-de-France, soit environ 1 800 agents, installé dans la ZAC des Docks, nouveau quartier où poussent logements, bureaux et commerces.

Dans les cartons patientent encore le futur campus hospitalo-universitaire Grand Paris Nord ou le futur siège de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

“Ils ont envie de “booste” cette ville, mais il faut bien équilibrer les choses. J’espère surtout que les gens qui habitent ici ne vont pas être obligés de s’éloigner: qu’est ce qu’ils vont devenir ?”, s’interroge Bernadette Duverger, qui travaille à Saint-Ouen mais habite Asnières-sur-Seine, un autre ville francilienne en cours d’embourgeoisement.

Cependant, “la concentration de logements sociaux freine le processus de gentrification” au nord-est de la commune, nuance l’Apur.

Et certains indicateurs montrent une réalité tenace: le taux de pauvreté atteignait ainsi 26% de la population en 2017, selon l’Insee – presque le double de la moyenne nationale.

L’ampleur du trafic de stupéfiants gangrène aussi toujours la ville, conduisant parfois à des règlements de compte. Mi-septembre, deux jeunes de 17 et 25 ans ont été tués dans une fusillade cité Soubise, l’un des quartiers miné par le “deal”.

Ce qui fait conclure à l’Apur que “les quartiers les plus centraux et les plus accessibles” du Grand Paris sont certes marqués par des évolutions dues à l’arrivée de ménages aux revenus plus élevés, mais “dans des communes qui restent globalement populaires.”


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