Les grands crus de Bordeaux se valorisent avec le temps

Primeurs à Bordeaux : des prix cassés pour le millésime 2019

Avec la crise due au Covid-19 et le confinement, la traditionnelle semaine des Primeurs, qui a lieu chaque année à Bordeaux début avril a été annulée. Habituellement, pendant ces quelques jours incontournables pour la place de Bordeaux, près de 5.000 dégustateurs, négociants et courtiers du monde entier se retrouvent dans la capitale girondine pour goûter le vin de près de 400 châteaux, vendangé six mois plus tôt (millésime 2019 pour cette année) et qui sera mis en bouteilles seulement deux ans plus tard. Ils le notent, l’évaluent… et les châteaux sortent leurs prix quelques semaines plus tard.

Ce grand rendez-vous manqué, la campagne des primeurs prend une autre tournure cette année . Seulement 500 personnes pourront déguster une centaine de grands crus bordelais, les 4 et 5 juin dans un lieu privatif de Bordeaux. Pour le reste, des dégustations seront organisées dans les propriétés, sur rendez-vous en petits comités. Des échantillons seront également envoyés aux grands prescripteurs et importateurs étrangers, essentiels pour Bordeaux, plus de 80 % des grands châteaux étant consommés à l’étranger (Chine et Etats-Unis en tête).

Des prix sages, un très bon millésime

Autre moment très attendu : la fixation du prix des bouteilles par les propriétés. Il a tout juste commencé et se poursuivra dans le courant du mois de juin. La crise actuelle laisse à penser que les châteaux devront consentir à une baisse substantielle de leurs prix. « Entre 20 et 30 % », note Thomas Hebrard, pré́sident-fondateur de U’Wine, maison de négoce. De fait le très réputé Château Pontet-Canet, cinquième grand cru classé à Pauillac, a fixé son prix de sortie à 58 euros la bouteille, soit une baisse de 31 % par rapport aux 84 euros du millésime 2018. Et toute la vendange a été vendue en 3 heures. Même geste fort chez Château Cos d’Estournel, deuxième grand cru classé à Saint-Estèphe, qui a baissé son prix de 24 % (110 euros la bouteille) et Château Palmer, troisième grand cru classé à Margaux, vendu à un prix 33 % inférieur (161 euros).

Des baisses de prix dues à une filière particulièrement fragilisée cette année. En cause, la crise due au Covid-19, mais pas seulement. D’autres facteurs d’instabilité récente dus au Brexit et aux taxes imposées pour l’exportation aux Etats-Unis pourraient également réduire drastiquement le nombre d’acheteurs. Si bien que les châteaux ont conscience qu’il faut pratiquer des prix raisonnables cette année.

Côté qualité, les dégustations, qui ont lieu en ce moment, annoncent pour le moment un très bon millésime. « Le millésime 2019 s’inscrit manifestement dans la lignée de grandes années ‘en 9’ » : 2009, 1989. La qualité du millésime 2019 et sa belle capacité de garde offrent de bonnes perspectives pour investir » souligne Angélique de Lencquesaing, directrice générale déléguée d’iDealwine. Même avis positif, quoique plus nuancé, d’Aymeric de Clouet, expert près la cour d’appel de Paris et fin connaisseur des vins de Bordeaux : « Pas une grande année pour les blancs secs, très plaisante pour les sauternes, hétérogène pour les rouges, donc il faudra regarder de près les notes de dégustation. »

Y a-t-il une opportunité pour acheter cette année ?

Après dix ans de surenchère des prix des vins en primeur – même lors de millésimes peu qualitatifs comme 2013 -, le soufflé pourrait donc retomber cette année et rendre l’achat en primeur à nouveau attractif . « En plus de ses qualités gustatives intrinsèques, 2019 sera commercialisée à un tarif attractif, ce qui en fait une excellente opportunité d’achat. 2019 sera probablement dans le Top 3 de nos millésimes les plus performants » avance Thomas Hebrard. Même constat pour Angélique de Lencquesaing : « Si certaines propriétés font cette année le choix de baisser substantiellement leurs prix, l’intérêt d’investir directement en primeur sera très net. »

Le système des primeurs :

Le système des primeurs, mis en place en 1970 à Bordeaux, consiste pour les châteaux à vendre le vin par anticipation, alors qu’il est encore en cours d’élevage, en cuve ou en barrique à la propriété. La mise en bouteilles de ce vin ne s’effectuera que deux ans plus tard.

L’acheteur est censé bénéficier d’une remise par rapport au prix d’achat sur le produit fini (plus toujours vrai, voir article). Et le domaine producteur, d’une avance de trésorerie.

La vente en primeur est un passage obligé à Bordeaux, car un certain nombre de grands châteaux bordelais ne commercialisent pas leurs vins directement sur les circuits de distribution. Ils passent par des intermédiaires, les négociants, qui assurent par la suite la vente des vins vers les particuliers.

Est-ce intéressant d’acheter seul ?

Connu des professionnels, le marché des primeurs est également ouvert aux particuliers. Pour acheter, mieux vaut passer par des sites qui ont pignon sur rue, comme Lavinia, Millésima, Wineandco, Chateauprimeur, etc. Le scandale du site de vente de vins 1855, placé en liquidation judiciaire en 2013, reste dans toutes les mémoires.

Mais il est difficile d’espérer de grosses plus-values quand on investit seul. Les particuliers sont soumis à la TVA (20 %) et ils achètent leurs bouteilles au minimum 15 % plus cher que les professionnels. Il faut donc que la bouteille se valorise d’au moins 35  % pour que l’achat soit rentabilisé. La chaîne de valeur étant captée par les différents maillons (château, négociant, courtier, vendeur), qu’il est impossible de court-circuiter. Sans compter les commissions des maisons de ventes aux enchères lors de la revente (entre 10 %-15 % pour le vendeur). Pour écouler vos bouteilles, passez par des maisons de ventes aux enchères sérieuses : iDealwine, Christie’s, Artcurial, Cornette de Saint Cyr.

« Pour les investisseurs, le vin devrait être considéré comme une valeur de refuge, mais pas de spéculation. Comme sur tous les marchés financiers, on peut avoir un coup de chance, Mais ça reste exceptionnel », alerte Aymeric de Clouet.

Dans tous les cas, le vin se valorisant avec les années, il faut s’inscrire dans une perspective d’investissement de long, voire très long terme (8-10 ans au minimum) pour en tirer un bénéfice significatif. La bonne tactique est de suivre de près la cote des bouteilles pour vendre autour de leur année d’apogée, au-delà de laquelle le prix chutera rapidement. Pour les passionnés cherchant à s’approvisionner en certains premiers grands crus classés également, quelques noms ne sont accessibles qu’en primeur.

Les grands crus de Bordeaux se valorisent avec le temps

Les grands crus de Bordeaux se valorisent avec le tempsiDealwine

Un modèle en panne

Théoriquement, les vins achetés au prix primeur sont censés être entre 10 % et 30 % moins cher que leur prix en « livrable », c’est-à-dire une fois en bouteille. Mais ce n’est plus tout à fait valable aujourd’hui (en tout cas jusqu’au millésime 2018). Ils se retrouvent même parfois plus chers en primeur qu’en bouteille dans les foires aux vins quelques années plus tard.

Ce marché a été très rentable pour les investisseurs ayant acquis des vins en primeur dans les années 1980-1990 et avant. « Jusqu’en 1996, en moyenne, sur les bons millésimes, la décote en primeur était proche de 50 %, ce qui signifie que cinq ans après la vendange la plupart des vins avaient doublé de valeur », rappelle Aymeric de Clouet. Mais, depuis les deux millésimes très qualitatifs de 2009 et 2010, les prix des primeurs se sont envolés et ils ne sont pas redescendus depuis, même lors de millésimes médiocres (comme en 2013).

L’option des caves patrimoniales

Vous pouvez aussi recourir aux caves patrimoniales clés en main. Plusieurs avantages : elles permettent d’acheter ses bouteilles en primeur aux tarifs négociants – et non particuliers. Les bouteilles sont également acquises en franchise de TVA en les conservant dans des caves situées en zone franche, aux ports francs de Genève ou Londres.

Elles permettent aussi généralement de revendre plus cher. Tout d’abord car la traçabilité des vins achetés en primeur est assurée, ce qui constitue un critère important à la revente, dans un marché où l’on trouve encore quantité de contrefaçons. Pour la cave U’Wine également, très présente en Chine, elle ouvre la revente au marché chinois, très friand des grands crus bordelais et difficile à atteindre en tant que particulier.

Passer par une cave d’investissement de qualité, c’est aussi s’entourer de professionnels qui choisiront les crus ayant le plus de potentiel de valorisation, une sorte de « stock picking » appliqué au vin. « Tous les vins ne se valorisent pas, il faut une sélection drastique. Chez U’Wine nous investissons dans à peu près 70 châteaux de Bordeaux triés sur le volet parmi les 350 vins vendus en primeur chaque année » explique Thomas Hebrard.

Attention cependant à vérifier que la société a bien obtenu un numéro d’enregistrement auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), obligatoire depuis la loi Sapin II en mai 2017. Elles sont seulement trois aujourd’hui à l’avoir décroché. Il s’agit de Cavissima, U’Wine et La Bergère Investment. Et l’AMF met régulièrement en garde le public sur les placements atypiques qui proposent des investissements aux rendements souvent trop flatteurs.

Avant de vous lancer, prenez connaissance des frais (de gestion, d’assurance, de revente). Chez U’Wine, il faut compter 1 euro la bouteille par an pour la logistique, des frais de transport et des frais de gestion annuels de 2 % à 0,5 % sur les 5 premières années suivant les montants d’engagements du client (les frais de gestion sont ensuite de 0% après la 5ème année de détention). A la sortie, U’Wine prélève une commission de 25 % au-delà d’une performance brute annuelle de 7 %.

En tout cas, le vin doit rester un placement de diversification qui ne doit pas représenter plus de 5 % du portefeuille. Et surtout un placement plaisir.

[ad2]

Source

L’immobilier recrute ! Devenez négociateur immobilier ou partager l’info…