Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1

Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes – Copropriété et ensembles immobiliers


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Dès lors que des ouvertures sont définies comme des parties privatives dans le règlement de copropriété, un propriétaire voisin gêné par ces dernières est irrecevable à assigner le syndicat des copropriétaires, même si ces ouvertures ont été percées dans la façade de l’immeuble, partie commune. Cette solution, assez classique et prévisible, vient d’être rappelée par la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté du 10 septembre 2020.

Dans cette affaire, le propriétaire d’une maison d’habitation dont le terrain jouxtait un immeuble soumis au statut de la copropriété avait soulevé la gêne résultant du percement de fenêtres dans le mur de façade de l’immeuble, situé en limite de propriété ainsi que de la création d’une fenêtre dans la toiture de l’immeuble. Reprochant ainsi que ces ouvertures créaient des vues droites sur son terrain et que les tablettes de ces ouvertures empiétaient également en surplomb, il avait assigné le syndicat des copropriétaires pour demander leur suppression ainsi que l’octroi de dommages-intérêts. La juridiction d’appel l’avait néanmoins débouté en déclarant irrecevables les deux demandes ; elle a, en effet, indiqué que les fenêtres, jours et tablettes figuraient parmi la liste des parties privatives dans le règlement de copropriété même si ces ouvertures avaient été réalisées dans le mur de la façade et dans la toiture de l’immeuble qualifiés, quant à eux, de parties communes par le règlement. Reproche fut dès lors fait à la décision d’appel, par le demandeur au pourvoi, d’avoir retenu l’irrecevabilité de l’action engagée contre le syndicat en rappelant qu’en application des articles 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat a pour « objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes » en ayant qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits y afférents.

La Cour de cassation rejette néanmoins ce moyen en rappelant les constatations des juges d’appel par lesquelles, si les ouvertures litigieuses avaient été pratiquées dans le mur de façade et la toiture, touchant des parties définies comme communes dans le règlement, ce même document retenait, en revanche, comme parties privatives les fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises dans l’immeuble. De même, si le règlement de copropriété visait les ornements de façade parmi les éléments communs, il n’y intégrait, en revanche, pas « les balustrades des balcons et balconnets, les persiennes, fenêtres, voltes et accessoires ».

Par conséquent puisque les fenêtres qui avaient été percées ainsi que les tablettes constituaient des parties privatives selon le règlement de copropriété, « l’action ne pouvait être dirigée contre le syndicat des copropriétaires », comme l’a rappelé la Cour de cassation. Cette solution illustre bien l’incidence et les enjeux liés à la définition des parties privatives et communes dans les règlements de copropriété, définition qui relève de la liberté laissée au rédacteur des documents, missionné par les copropriétaires pour ce faire. En effet, si l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 dresse une liste de parties communes (en y visant notamment le gros œuvre des bâtiments), il n’en précise pas moins que cette énumération n’a vocation à être mise en œuvre que « dans le silence ou la contradiction des titres ». Autrement dit, ce n’est que lorsque les documents de la copropriété sont restés muets ou sont ambigus sur la qualification d’un élément de l’immeuble que les critères soit « d’usage ou d’utilité » de l’élément pour l’ensemble des copropriétaires, soit « d’usage exclusif » (art. 2) à un copropriétaire sont sollicités par les juges pour qualifier soit en partie commune, soit en partie privative l’élément litigieux. Cela se vérifie par ailleurs à la lecture de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 : s’il déclare impératif un grand nombre d’articles de la loi, il n’y intègre toutefois pas les articles 2 et 3 précités, lesquels ont aussi été reconnus comme supplétifs par la jurisprudence (par ex., pour l’art. 2, al. 1er, v. Civ. 3e, 22 mai 1973, n° 72-11.406, Bull. civ. III, n° 359 ; D. 1973. 130 s. ; Aix-en-Provence, 4e ch. civ., 4 mars 1975. 66 ; v. aussi Orléans, 5 nov. 2012, n° 11/03052, AJDI 2014. 680, étude P. Capoulade, D. Tomasin et P. Lebatteux pour les art. 2 et 3 de la loi). C’est bien le règlement de copropriété qui prime, en tant que document contractuel formant la charte fédératrice de la copropriété, en matière de qualification des parties privatives et communes dès lors que celui-ci n’est pas silencieux à ce sujet ou qu’aucune ambiguïté ne résulte de l’analyse des titres. Dans l’affaire commentée, les juges d’appel avaient constaté que le règlement de copropriété était clair sur le statut des fenêtres et de leurs accessoires en les ayant compris parmi les parties privatives, même si ces ouvertures avaient été réalisées sur le mur de façade ou le toit (définis comme des parties communes). De ce point de vue, l’action engagée contre le syndicat était ainsi irrecevable dans la mesure où le dommage soulevé par le voisin ne résultait pas d’une partie commune ; il aurait fallu agir contre les copropriétaires ayant, dans la définition même des parties privatives de leurs lots, ces ouvertures litigieuses.

Une question supplémentaire pouvait néanmoins être posée : n’était-il pas possible d’engager la responsabilité du syndicat pour avoir autorisé le percement de ces ouvertures dans la façade et le toit de l’immeuble, parties communes ? On sait que le propriétaire gêné par les ouvertures litigieuses aurait pu engager une action en responsabilité civile à l’encontre du syndicat sur le fondement du droit commun (C. civ., art. 1240). Le syndicat est, en effet, responsable pour faute aussi bien envers les copropriétaires eux-mêmes dans certaines circonstances (par exemple, en laissant des travaux irréguliers, dont il avait eu connaissance, être entrepris, v. Civ. 3e, 6 juill. 1994, n° 92-16.026, RDI 1994. 700, obs. P. Capoulade et C. Giverdon Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1) qu’à l’égard des tiers, par exemple, pour des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage (à titre d’illustration, pour des travaux ayant engendré de lézardes dans le bâtiment voisin, v. Civ. 3e, 11 mai 2000, n° 98-18.249, Bull. civ. III, n° 106 ; D. 2001. 2231 Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1, obs. P. Jourdain Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1 ; ibid. 3581, obs. C. Atias Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1 ; AJDI 2001. 345 Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1 ; ibid. 346, obs. P. Guitard Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1 ; RDI 2000. 313, obs. M. Bruschi Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1) ou en cas d’empiétement sur le fonds contigu (Paris, 23e ch. A, 7 nov. 2001, n° 2000/11626, AJDI 2002. 310 Copropriété : l’action contre le syndicat suppose une atteinte aux parties communes - Copropriété et ensembles immobiliers 1).

D’ailleurs, à titre de comparaison, la Cour de cassation avait, dans une décision plus ancienne, pu retenir la responsabilité d’un syndicat de copropriétaires à l’égard d’un propriétaire voisin subissant une gêne de part d’ouvertures pratiquées (transformations de jours de souffrance en vues), par un copropriétaire dans un mur mitoyen, sachant que ces transformations n’avaient pas été autorisées par l’assemblée générale. Une négligence fautive du syndicat fut retenue par la juridiction d’appel, approuvée par la Cour de cassation, en ce qu’il « appartenait au syndicat, ayant en charge la conservation des parties communes, informé des transformations irrégulières, de les faire cesser et de mettre en demeure [le copropriétaire] de rétablir les lieux dans leur état initial » (Civ. 3e, 11 mars 1987, n° 85-16.292 NP, Administrer, août-sept. 1987, n° 182, p. 51-52, note E.J. Guillot). S’il est intéressant de rapprocher cet arrêt de 1987 avec l’affaire commentée, il convient néanmoins de relever les différences entre les deux espèces. Hormis le fait que les travaux avaient été autorisés par l’assemblée générale dans l’arrêt du 10 septembre 2020 et non dans l’arrêt du 11 mars 1987, le dommage que le propriétaire voisin soulevait provenait de parties privatives dans la décision de 2020 alors qu’il trouvait son origine dans les parties communes dans l’arrêt le plus ancien. En outre, et plus fondamentalement, une distinction est aussi à noter en matière de faute.

On sait que toute action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle à l’égard du syndicat implique de rapporter la preuve d’une faute commise par celui-ci et il est bien évident également que la juridiction du fond doit avoir été saisie d’une telle demande. Or tel ne semble pas avoir été le cas dans l’espèce tranchée dans l’arrêt du 10 septembre 2020 puisque la Cour de cassation précise qu’il ne résultait « ni des conclusions ni de l’arrêt que [le propriétaire] ait soutenu que le syndicat des copropriétaires ait commis une faute en autorisant le percement des fenêtres et jours dans le mur et toiture ». Mélangé de fait et de droit, ce moyen nouveau fut donc rejeté par la Cour de cassation.

Au-delà de cet aspect qui ne pouvait indubitablement qu’aboutir au rejet du pourvoi, on peut malgré tout se demander si une faute du syndicat n’aurait pas pu être retenue. La question se pose au regard des circonstances de l’espèce vis-à-vis d’une autorisation de pratiquer des ouvertures dans les parties communes, particulièrement dans un mur construit en limite de propriété dont il pouvait être tout à fait prévisible, avant la réalisation même des travaux, qu’elles étaient susceptibles de ne pas respecter les exigences de distance de l’article 678 du code civil pour des vues droites ou encore dont les tablettes allaient très probablement empiéter sur le fonds voisin puisqu’installées sur un mur privatif édifié en limite du fonds. La faute n’était donc peut-être pas à exclure même si elle impose d’accepter que l’on puisse reprocher à une copropriété de prendre la mesure des conséquences des décisions qu’elle pourrait voter en assemblée générale, tout en étant, néanmoins et en principe, éclairée par le syndic, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un professionnel.


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