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Mieux investir avec l’encadrement des loyers


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© franz massard / Adobe Stock

Encadrer un prix n’est pas une mesure a priori d’inspiration libérale. Soixante-dix ans après la promulgation de la loi de 1948 qui l’avait institué à l’époque et des décennies de lutte des bailleurs pour en sortir, l’encadrement des loyers est un sujet sensible pour les investisseurs, qu’ils soient français ou étrangers.

À regarder de près, le législateur ne s’est pas inspiré de cette loi presque séculaire. Son modèle vient d’outre-Rhin, le Mietspiegel allemand qui régule le marché de certaines grandes villes comme Berlin, en contraignant les propriétaires à calculer leurs loyers à partir d’un prix de référence. À l’origine lancée par la loi Alur dans les 28 zones tendues dont l’agglomération parisienne, le dispositif d’encadrement a été annulé par le Tribunal administratif de Paris en novembre 2017. Il a été relancé pour une période expérimentale de cinq ans avec la loi Élan, votée en 2018. Ce sont les communes qui choisissent de le mettre en application et, à ce jour, seul Paris a choisi de recourir à l’encadrement qui est devenu effectif le 1er juillet 2019. Les municipalités ayant deux ans pour se décider à adhérer au principe, il nous reste encore quelques mois pour connaître la liste finale des participants.

L’encadrement des loyers ne s’impose que pour les logements loués à titre de résidence principale, vides ou meublés, dans le cadre d’un bail soumis à la loi de 1989. Le loyer de référence est déterminé à partir du niveau des loyers constatés par l’Observatoire des loyers de l’agglomération. Pour Paris, il s’agit de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap). Ce dernier fixe un loyer au m2 de référence qui varie selon les critères de localisation, typologie, époque de construction ou nature de la location, meublée ou non. Lors d’une mise en location d’un logement, le loyer appliqué au logement sera le loyer de référence qui pourra être majoré de 20 % si le bailleur peut justifier de bonnes caractéristiques de confort et de localisation.

27% des annonces ne respectent toujours pas les dispositions de l’encadrement

En votant l’encadrement des loyers ainsi décrit, le législateur vise en priorité les pratiques abusives de certains bailleurs sur les très petites surfaces parisiennes, comme les chambres de services transformées en logements étudiants à des loyers inadéquats par rapport à la qualité de ces derniers. PriceHubble, start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée au marché de l’immobilier, a montré dans une récente étude que si, avant le vote de loi, 31% des annonces étaient au-dessus du futur plafond, depuis le début de l’expérimentation 27 % ne respectent toujours pas les dispositions de l’encadrement. D’où les critiques élevées contre les méthodes jugées sommaires de l’Olap pour déterminer les prix pivots, considérés ne pas refléter la réalité du marché.

En tant qu’asset managers, notre expérience est plus nuancée : s’agissant de logements traditionnels résidentiels, nous constatons, sur les immeubles qui nous sont confiés par les propriétaires ou investisseurs, que la valeur locative est très rarement supérieure au loyer de référence majoré. Tel immeuble dont la valeur de marché, dans les business plans d’origine, avait été calée au plus haut de l’encadrement des loyers, se voit remis en location à des niveaux inférieurs parce que le marché est ainsi fait. La détermination du loyer restera donc la plupart du temps conditionnée par l’équilibre entre l’offre et la demande locative, sans être impactée par la réglementation. D’un point de vue pratique, nous sommes donc loin du cataclysme annoncé.

Le plafonnement empêche les loyers de suivre l’évolution du marché locatif

Paris n’est pas la France : moins connue mais bien plus insidieuse est la mécanique du plafonnement des loyers. Ce dispositif a été initié par la loi Alur de mars 2014. Il consiste à limiter l’augmentation de loyer appliquée à un logement suite au départ d’un locataire. En d’autres termes, le bailleur n’a pas la faculté de rattraper les prix du marché au moment du changement du locataire, ce qui peut conduire à une dérive dans le temps, le loyer effectif divergeant de la valeur locative sans qu’il soit possible – a priori – d’agir. La loi de 1948 est de retour…

De plus, cette réglementation s’applique à tous les logements situés en zone dite « tendue », un très large ensemble de 28 agglomérations de plus de 50 000 habitants disséminées sur le territoire. L’impact en est donc renforcé.

Pour être plus précis, le plafonnement s’applique au renouvellement d’un bail ou à la remise en location. Dans ce cas, le nouveau loyer est égal à celui du précédent bail indexé selon l’indice de référence des loyers (IRL) et ce, uniquement s’il n’y a pas eu d’indexation effectuée durant les 12 derniers mois. Il est cependant possible de sortir du plafonnement si le logement n’a pas été occupé par un locataire pendant plus de 18 mois ou si le bailleur est amené à réaliser des travaux d’amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence. Dans ce dernier cas, la hausse appliquée est de 15 % si le coût des travaux représentait entre six mois et un an de loyers. Lorsque les travaux dépassent en coût l’équivalent d’un an de location, le loyer peut être réévalué librement.

Une gestion fine des actifs permet de limiter l’impact du plafonnement

Pour revenir à notre asset manager et au gestionnaire locatif avec qui il travaille, le plafonnement est un vrai sujet. Il est un piège dans lequel il ne faut pas tomber lorsque l’on étudie un immeuble au moment de son acquisition : si vos loyers semblent manifestement sous-évalués par rapport à la valeur locative, le rattrapage ne se fera pas du jour au lendemain, ce qui d’ailleurs a tendance à favoriser les investisseurs long terme au détriment des marchands de biens. La réglementation pousse les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation aux changements de locataires pour profiter de la faculté qui leur est donnée de déplafonner les loyers. Le processus, pour permettre à un immeuble de rattraper son marché, peut donc prendre des années, au gré des changements de locataires.

Pour autant, cette réglementation représente-t-elle un surcoût pour les investisseurs ? Dans la réalité, les baux concernés sont plutôt les plus anciens et, par conséquence, ceux où le logement nécessite des travaux de remise en état plus lourds que s’il s’agissait du départ d’un locataire récent. Lorsqu’un locataire est en place depuis longtemps, son niveau de loyer est faible, et il y aura aussi plus de chance qu’il faille faire des travaux d’amélioration suite à son départ. En d’autres termes, les investissements en travaux auraient de toute façon dû être réalisés : l’impact sur le business plan est donc pratiquement neutre. Il faut être patient, c’est tout.

Comme souvent lorsqu’il s’agit de logement, les effets d’annonce cachent une réalité plus subtile. Le fatras réglementaire, l’empilement des dispositifs législatifs n’empêchent pas le marché de fonctionner ; ils obligent ceux qui gèrent à plus d’attention pour que leurs prévisions reflètent la réalité du marché.


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