Quand c’est l’acheteur qui trompe le vendeur

Lors d’une transaction immobilière, il arrive que le vendeur dissimule à l’acheteur les défauts de son logement (voisin gênant, locataire insolvable). Il arrive aussi, plus rarement, que ce soit l’acquéreur qui trompe le vendeur, comme le montre l’affaire suivante.

Le 5 octobre 2011, Mme X s’engage à céder à M. Y, au prix de 1,1 million d’euros, un appartement « occupé » (par son locataire), que la chambre des notaires estime à 1,4 million d’euros, s’il était « libre ». M. Y se donne jusqu’au 12 janvier 2012, pour se décider. Il lève alors l’option. La vente est conclue, aux conditions prévues dans la promesse, le 17 janvier 2012.

Lire aussi Le locataire était insolvable : le vendeur et l’agence immobilière condamnés

Trois ans plus tard, dans le cadre d’une succession, Mme X est amenée à faire des recherches auprès de la conservation des hypothèques. Elle découvre alors que, dès le 26 avril 2012, M. Y a revendu, « libres de toute occupation », la chambre de bonne et le débarras qui étaient attachés à son logement.

Elle apprend que, le 23 novembre 2011, soit entre la promesse unilatérale de vente et la levée d’option, M. Y a signé un « protocole de résiliation amiable » avec le locataire. Celui-ci, en échange de la somme de 100 000 euros, et à la condition que la vente se réalise en janvier, s’est engagé à quitter le bien, le 31 mars. Mme X réalise que, si M. Y lui avait révélé cet accord, elle aurait pu vendre son bien à un prix plus élevé.

« Réticence dolosive »

Elle peut encore saisir la justice, le délai pour agir étant de cinq ans, à compter de la découverte de la tromperie. Elle assigne donc M. X devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle demande qu’il soit condamné à lui payer 300 000 euros (différence entre le prix perçu et celui qu’elle aurait pu percevoir), pour avoir manqué à l’« obligation de loyauté, de bonne foi et de sincérité qui s’impose en matière contractuelle ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Permis de construire : un faux voisin maître-chanteur condamné pour escroquerie dans les Yvelines

M. Y admet que l’acquéreur est tenu à cette obligation. Mais il affirme que sa bonne foi doit s’apprécier à la date où la venderesse a « consenti » à la vente et à ses conditions, soit celle de la promesse unilatérale. Or, à cette date, il n’avait pas encore conclu d’arrangement avec le locataire. Le tribunal lui donne raison, et déboute Mme X.

La cour d’appel de Paris, qu’elle saisit, juge en revanche que la bonne foi doit s’apprécier au jour où « la rencontre des volontés du vendeur et de l’acquéreur s’est faite ». Cela ne peut être lors d’une « promesse unilatérale, où seul le promettant s’engage à vendre, et où le bénéficiaire ne contracte pas l’obligation d’acheter ». C’est donc le 17 janvier 2012. Or, à cette date, M. Y avait obtenu le départ du locataire, sans en informer Mme X.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Viager : quand la venderesse meurt trop vite

La cour juge, le 24 janvier 2020, que « cette dissimulation de la libération des lieux par l’occupant en titre (…) est constitutive d’une réticence dolosive, ouvrant droit à des dommages-intérêts pour le vendeur ». Ce que la Cour de cassation valide, le 19 janvier (2022, 20-13.951) : l’acheteur, comme le vendeur, doit faire preuve de bonne foi.

Source

Devenez négociateur immobilier ou Conseiller Patrimonial Immobilier …