Le chantier de Notre-Dame, une « cour des Miracles » pour la Cour des Comptes

Le chantier de Notre-Dame, une « cour des Miracles » pour la Cour des Comptes

Le chantier de Notre-Dame, une « cour des Miracles » pour la Cour des Comptes 1

Publié le 30 sept. 2020 à 17:07

Peut (beaucoup) mieux faire. Le premier bilan dressé par la Cour des comptes sur la collecte et l’emploi des dons versés pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris pointe un manque de transparence et un non-respect de la loi du 29 juillet 2019.

Pour la Cour, la gestion de la cathédrale se caractérise par un éclatement des compétences, – lié à la répartition de la propriété du site entre l’Etat et la ville de Paris-, et à son double statut de lieu de culte et de monument fréquenté par des millions de visiteurs. Le dénombrement et la propriété des objets contenus dans la cathédrale restent imprécis.

Une restauration de 58 millions d’euros

Le rapport pointe aussi un partage complexe des responsabilités relatives à la sécurité. Le défaut d’anticipation de l’échéance, début 2019, de la convention organisant la sécurité incendie entre l’architecte des bâtiments de France, le recteur de la cathédrale et le Centre des monuments nationaux, mais aussi le marché de prestation. Ce qui témoigne « d’une attention insuffisante portée à cette question », juge la rue Cambon.

Constatant l’état préoccupant de la cathédrale en raison de l’insuffisance des travaux, le ministère de la culture avait lancé en 2016 une restauration de 58 millions d’euros sur 10 ans. Le financement de ce chantier en cours lors de l’incendie n’était toutefois pas complètement assuré, malgré l’engagement de mécénat de la Fondation Notre-Dame, relève encore la Cour.

Au lendemain de l’incendie, la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France et le ministère de la culture se sont mobilisés, et la maîtrise d’oeuvre a été renforcée. Cependant, contrairement aux règles qui s’imposent après une catastrophe grave, « aucune enquête administrative n’a été lancée par le ministère pour déterminer d’éventuelles défaillances dans l’organisation de la maîtrise d’ouvrage et la conduite du chantier par la maîtrise d’oeuvre ».

Cette enquête apparaît d’autant plus nécessaire à la Cour que « les travaux ont été confiés aux mêmes équipes, que le ministère n’a pas organisé de retour d’expérience approfondi et ne s’est que ​tardivement porté partie civile dans l’enquête judiciaire en cours ».

Manque de transparence

La souscription nationale lancée le soir de l’incendie a permis de recueillir 825 millions auprès de 338.000 donateurs (particuliers et entreprises, en France et dans 140 pays) au 31 décembre 2019. À cette date, 184 millions avaient été versés et 640 millions faisaient l’objet d’une promesse. Ces dons ont permis de financer les chantiers urgents et de poursuivre les travaux de sauvegarde, d’abord estimés à 65 millions et désormais évalués à 165…

Les conventions cadre entre le ministère et les quatre organismes collecteurs organisant la souscription prévoient la possibilité d’imputer sur les dons les frais de gestion exposés par ces derniers pour assurer la collecte, et les frais de maîtrise d’ouvrage du chantier. Or « ces dispositions contredisent les engagements des pouvoirs publics quant à la gratuité des opérations de collecte et, surtout, les termes mêmes de la loi du 29 juillet 2019 organisant la souscription, qui réserve « exclusivement » l’utilisation des dons aux travaux, à la restauration des mobiliers appartenant à l’Etat et à la formation aux métiers du patrimoine ».

Faiblesse de la gouvernance

La Cour juge que les modalités trop générales prévues dans ces conventions ne garantissent pas que les organismes collecteurs seront en mesure de remplir avec toute la précision et la régularité indispensables leurs obligations en matière d’information des donateurs. Ce qui pourrait fragiliser la concrétisation de certaines promesses dans un contexte de crise économique.

Enfin, concernant l’établissement public chargé de piloter la restauration, mis en place le 1er décembre 2019, « sa gouvernance est marquée par le poids, à tous les niveaux, de son président exécutif. Son fonctionnement est intégralement financé sur les dons, sans aucune subvention sur crédits budgétaires de l’Etat, pourtant propriétaire du monument. Cette débudgétisation apparaît contraire aux termes de la loi du 29 juillet 2019, qui réserve aux seuls travaux les fonds collectés », note la rue Cambon.

L’accord signé avec les organismes collecteurs, prévoyant l’imputation sur les dons des frais de maîtrise d’ouvrage, ne suffit pas à justifier que les dépenses de fonctionnement courantes de l’établissement de 5 millions par an soient exclusivement financées par les dons, d’autant qu’un quart des effectifs de cet établissement est affecté à des missions dont le lien avec les travaux ​de restauration est ténu, conclut la Cour.

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